En souvenir de l'abbé André Schroeter, professeur de rhétorique à Saint-Boniface.
Il y a 60 ans ce 15 novembre
2015, ma classe de rhéto de l’Institut Saint-Boniface à Ixelles visitait
l’UCL-KUL dans la vieille ville de Louvain. Ce qu’on appelle maintenant une
visite de rhéto mais les universités n’en faisaient pas encore une journée de
marketing collectif.
Le 15 novembre était alors un
jour férié, la Fête de la Dynastie, Dynastie à laquelle les anciens vouaient un
culte jusqu’à la fin des années 30. L’Université restait ouverte. Nous y avons
fait un tour de bâtiments. Je ne me souviens que des laboratoires de physique
au Collège des Prémontrés entre la rue de Namur, la rue Charles Debiérot (je
pense qu’on écrivait alors de Bériot) et le Parc Saint-Donat.
Je voudrais profiter de ce 60e
anniversaire pour rendre hommage à l’abbé Schroeter (que nous orthographions
parfois Schröter à l’allemande). Il a succédé à un géant de l’enseignement
secondaire, l’abbé Joseph Van Camp (dont les frères devinrent Chanoine et
Monseigneur et un neveu, Xavier Renders, vice-recteur à l’UCL). L’abbé Joseph
qui voyait dans son estrade une chaire, dans ses cours des conférences, dans
ses syllabus des œuvres littéraires. C’est progressivement qu’André Schroeter
prit ses distances par rapport à un héritage pesant. Notre classe de rhéto
comptait 40 élèves. Schroeter imposa sa marque. Une grande attention au film
dont il était « ami ». Des cours d’orientation, d’esthétique, à
géométrie variable qui accueillirent, en 1956, de pionnières initiations à la
sexualité, des ciné-forums, une ouverture au jazz, à la photo, avec le futur grand
professionnel Pierre Sterckx (décédé cette année 2015). Nous l’avons amené à sa
dernière demeure, au sommet du cimetière de l’avenue du Silence, accompagné par
une musique de jazz.
Notre année ne devint pas
spécialiste des verbes en mi, d’autres collèges formaient mieux les « fort
en thème ». Nous étions plutôt champions de la version,
« originale ».
À l’issue de ma rhéto j’ai eu la
chance inattendue de vivre avec l’abbé André Schroeter un voyage en Grèce et en
Italie. Je m’étais inscrit à un concours de journalisme lancé par les Éditions
Dupuis, qui avait lancé le 24 novembre 1955 un hebdomadaire au format de page
de quotidien. « Risque-tout »
« Le journal du cran et de
l’enthousiasme » dont l’existence fut éphémère faute d’avoir rencontré alors
un large public. https://fr.wikipedia.org/wiki/Risque-Tout
Pour se faire connaitre, et peut-être de trouver de jeunes talents, les
Éditions Dupuis organisèrent un concours de journalisme. C’était en réalité un
travail de rédaction rapide (en deux heures ?) dans les salons des
Galeries Anspach près de la Bourse de Bruxelles. Les thèmes portèrent sur des
pays (Espagne, Rome, Grèce). Les compositions étaient lues dans le salon de thé
devant un parterre de « dames et demoiselles », comme on disait alors.
Elles applaudissaient pour choisir le champion. Pour la finale, alors que mes
concurrents avaient amené leur claque, les textes étaient lus par un acteur des
Galeries et le classement établi par un jury (au grand dam de mes rivaux). Je
remportai le premier prix : un voyage en Grèce avec son professeur, soit
de grec soit d’histoire. L’abbé Schroeter donnait les deux cours, je l’invitai
donc à visiter une Grèce qu’en 1956 peu d’enseignants du secondaire
connaissaient. Comme à l’époque les abbés des collèges étaient peu payés. Ils
étaient nourris et blanchis, mais je pense qu’ils recevaient 200 francs belges
par mois pour leurs cigarettes. L’abbé reçut un cadeau exceptionnel de sa sœur
qui habitait Malines.
Nous partîmes donc en train
jusqu’à Brindisi. Bateau, l’Angelika (on voit ce bateau historique dans le film "Zorba le Grec"), vers les îles et le Pirée. Des îles comme
Ithaque qui n’avaient pas beaucoup changé depuis le retour d’Ulysse, le canal
de Corinthie. Logement à Athènes encore marquée mentalement par la guerre
civile avec les communistes (dont beaucoup croupissaient encore dans les geôles
de Nauplie). La découverte de Delphes dont la plupart des voies était encore en
terre et où l’on finissait le premier hôtel. Épidaure, Corinthe, Mycènes, …
Passionnant voyage de découverte en duo maitre-disciple.
Paul Thielen
Dernière mise à jour 17 mai 2020
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